Stéphane Beauverger : les noctivores


Ça n'a pas traîné. Grandement séduit par Chromozone, premier épisode de la trilogie SF du même nom écrite par Stéphane Beauverger, je me suis rapidement procuré sa suite : Les noctivores. Chromozone prenait place dans un monde en reconstruction. Touchée par un puissant virus informatique, la société telle qu'on l'a connaît s'était effondrée avant de se reconstruire péniblement sur des bases plus… locales. le lecteur, lui, débarquait alors qu'une grave montée de violence commençait à toucher les restes de la ville de Marseille.
Les noctivores débute plusieurs années après les événements du roman précédent. A Lourdes, plus précisément. On y fait la connaissance de Cendre, un petit garçon vénéré par les habitants de la ville qui le considèrent comme l'envoyé de Dieu. Son talent ? Lorsque la ville est menacée, il est capable d'en tuer en une seule fois tous les assaillants. Un jour, les Maîtres de la ville décident de l'expédier vers une destination inconnue, sous haute protection. Voyager en ces temps troublés n'est pas chose facile, et la traversée de la France est l'occasion pour le lecteur de retrouver quelques têtes connues. de fait, Cendre n'est pas passé inaperçu auprès des puissances de la région.
Comparé à son prédécesseur, ce second épisode diffère quelque peu dans sa construction. La narration, au lieu d'opérer des allers-retours réguliers d'un lieu à l'autre, nous fait suivre les personnages de façon plus linéaire. le livre est par ailleurs divisé en trois parties, chacune dédiée à un personnage en particulier. J'aimerais à présent, si vous le permettez bien sûr, opérer une petite comparaison. Quelques passages de Chromozone évoquaient en effet un type particulier de jeu vidéo : le FPS. Des personnages s'y retrouvaient en effet à errer seuls dans les couloirs déserts d'une usine à l'abandon, tout en se faisant canarder. Ici, certaines scènes évoquent également l'univers vidéoludique mais rappellent davantage les jeux de stratégie en temps réel. On imagine très bien les forces en présence manoeuvrant leurs pions pour remporter la mise. Stéphane Beauverger a travaillé pour Blizzard et Ubisoft : que ses livres évoquent les jeux-vidéo n'est probablement pas entièrement dû au hasard. Tout ça pour dire, en fait, qu'on s'y croirait.

La montée en puissance de l'histoire est tout à fait maîtrisée, Mais la première partie est in peu longuette. Heuereusement la suite offre des moments au moins aussi épiques que dans Chromozone. de plus, les événements se déroulent suffisamment longtemps après ceux de ce dernier pour éviter toute redite, et le lecteur a donc l'occasion de découvrir un univers une nouvelle fois changé, stabilisé mais toujours très fragile. du coup, c'est aussi l'occasion d'y aborder de nouveaux thèmes et Ce deuxième volume me semble donner quand même plus dans l'aventure que dans le S.F C'est néanmoins une suite plus qu'honorable.

Âgé d'à peine dix ans, Cendre vit à Lourdes où il foudroie les malades atteints du chromozone. Un jour, ses maîtres lui ordonnent de partir pour Paris, de quitter sa gardienne Andréa et sa mère, afin de rencontrer le Pape Michel et d'obliger celui-ci à reconnaître sa nature particulière, d'inspiration divine voire messianique. Peu après son embarquement à Biarritz, Cendre découvre qu'on lui a menti, qu'il ne va pas à Paris, mais en Allemagne ; une découverte qui ne lui sera d'aucune utilité car peu de temps après le bateau sur lequel il se trouve est attaqué. Kidnappé par Justine Lerner, Gem et les autres survivants de la Maison-Tortue, Cendre se retrouve en semi-liberté à Ouessant, sous la responsabilité de Lucie. Alors que les deux jeunes gens glissent lentement vers l'idylle, ils sont sauvagement enlevés par les sbires de Khaleel, le prophète de Marseille. Piquée au vif, Justine n'est pas décidée à se laisser faire, surtout qu'elle voit en Cendre un moyen de prendre sa revanche sur son ex-mari : le génie Peter Lerner — un expert en réseaux de communication qui, depuis son bastion allemand, vient de lâcher sur le monde ses noctivores, des humains qui ont perdu une partie de leur humanité et gagné autre chose. C'est à Marseille que Cendre appréhendera sa véritable nature. C'est à Marseille que Justine, Peter et Khaleel se disputeront l'enfant, lors d'un affrontement dont l'âpreté ne fait aucun doute.



Chromozone (critiqué in Bifrost n°40) n'était pas le livre francophone de l'année 2005, ce qui ne l'empêchait pas de revendiquer sa place d'« incontournable » pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à la S-F d'expression française.. D'ailleurs, tout comme Akira Kurosawa filmant Rashômon, Beauverger n'hésite pas à raconter la même scène de plusieurs points de vue différents ; ici c'est l'épisode du kidnapping de Lucie et Cendre qui sera d'abord vécu de l'extérieur, puis de l'intérieur. Tout au long du roman, les personnages sont bien dessinés (mais on n'en attendait pas moins d'un auteur qui a toujours excellé en la matière) : Justine (tout en restant une flingueuse impitoyable) gagne en humanité ; Gem s'est consumé ; Lucie va se révéler... Et au-dessus de la mêlée, Peter Lerner et son armée de noctivores attendent leur heure.



Evidemment, ce second volume d'une trilogie d'ores et déjà passionnante n'est pas sans défaut : il reste quelques scories d'écriture, quelques ficelles de manipulation trop visibles pour être honnêtes, mais — rassurez-vous — rien qui gâche vraiment le spectacle. Pour finir cette critique enthousiaste, je préciserai que, contrairement à l'éditeur, je ne crois pas que chaque volume du triptyque puisse se lire indépendamment, du moins pas sans y perdre beaucoup de plaisir, car tout ce qui fait le sel des Noctivores a été planté dans Chromozone

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